Hôtel-Dieu (détruit)


Vue de l'ancien hôtel-Dieu, 1842 - Aquarelle de Charles Pensée - Centre Hospitalier Régional d'Orléans
(Extrait de "Charles Pensée, un dessinateur romantique à Orléans", Musée des beaux-arts d'Orléans)

La construction

La fondation de l'Hôtel-Dieu remonte à 1150, lorsque le doyen du chapitre de Sainte-Croix, Etienne de Garlande, décide d'affecter plusieurs maisons de sa propriété, situées entre la porte Parisie et la Tour Salée à l'intérieur de l'enceinte, à l'établissement d'un hospice.

Vers le milieu du XVème siècle, la capacité d'accueil est insuffisante, et Louis XII décide alors de l'agrandir (charte du 15 mars 1512). L'agrandissement de l'enceinte de la ville vers le nord permet de libérer la place nécessaire.
Les travaux débutent en 1513, et se poursuivent durant une cinquantaine d'années, sans véritable plan, au gré des ressources provenant de la générosité publique.
On construit un grand bâtiment, long de 40 m, constitué de 2 grandes salles superposées orientées Nord Sud, destiné au logement des malades (salle Saint-Lazare). Pour cela d'autres bâtiments de l'Hôtel-Dieu doivent être démolis.

De nouvelles salles sont construites entre 1621 et 1625, à l'ouest de la salle Saint-Lazare, et revenant à angle droit jusqu'à la place du parvis de Sainte-Croix.

Dans la première moitié du XVIIIème siècle, la reconstruction de la tour nord de la cathédrale entraîne la démolition des bâtiments empêchant l'édification des fondations, ou masquant la vue du portail. Pour compenser cette perte, dont la chapelle fait partie, de nouveaux bâtiments sont construits à l'ouest sur une parcelle située dans les limites du cloître de la cathédrale.

C'est ainsi que l'ancien Hôtel-Dieu acquiert sa forme définitive qui perdurera jusqu'à sa démolition. Les constructions successives en avaient fait un ensemble disparate dont se distinguait la salle Saint-Lazare, remarquable par la hauteur de son rez-de-chaussée dont le planfond était soutenu par neuf fines colonnes de pierre.


Situation de l'Hôtel-Dieu par rapport au plan actuel


Perspective de l'Hôtel-Dieu vue de l'angle sud-est, reconstituée en image de synthèse
Réalisations 3D : Laurent Josserand (Polytech Orléans)

Les projets de démolition avortés

Dès la fin du règne de Louis XV, l'hôtel-Dieu ne donne plus satisfaction : les conditions sanitaires des malades sont critiquées et la municipalité souhaiterait dégager les abords de la cathédrale. Un projet de déplacement voit le jour en 1769, mais n'aboutit pas.

En 1791, l'administration municipale approuve le projet de 1769 et constitue une commission destinée à "faire constater ces incovénients de manière authentique". Le rapport est accablant pour l'hôtel-Dieu, qui est considéré "comme une des principales causes de mortalité des pauvres qui s'y réfugient". Mais la municipalité ne dispose d'aucune possibilité pour le transférer ailleurs et les choses restent en l'état.

Le projet revient à l'ordre du jour en 1806-1807. Le transfert est prévu dans les bâtiments de l'ancienne abbaye Saint-Euverte, mais l'opération n'a pas lieu, probablement par manque de financement.

Même s'il est encore en activité à la chute de l'empire, l'hôtel-Dieu est théoriquement condamné par le plan d'alignement adopté en 1813 par la municipalité. Ce plan prévoyant un certain espace autour de la cathédrale, les bâtiments situés à moins de 26 mètres des tours doivent être abattus.Gisors présente le plan d'alignement au Conseil des bâtiments civils en omettant de signaler que son application implique la démolition de l'hôtel-Dieu. Il est donc approuvé par ordonnance royale, mais ne peut être réalisé, à nouveau par faute d'argent.

Un préfet de la restauration, le vicomte de Ricé reprit le projet à la fin de 1826. Une commission suggère de construire le nouvel Hôtel-Dieu sur des terrains situés entre la Loire et le faubourg Bourgogne. Le préfet entérine la proposition et obtient du conseil général une contribution couvrant le quart des dépenses prévues. Il expose son projet devant le conseil municipal en février 1827, qui après l'avoir fait examiner par une commission, finit par l'accepter le mois suivant. Mais le préfet ne peut obtenir du ministre de l'intérieur, l'autorisation d'imposer extraordinairement les contribuables départementaux pour financer son apport au projet, qui est alors suspendu.

Pendant ce temps-là, l'Hôtel-Dieu, qui n'est plus entretenu par souci d'économie, continue à se dégrader. Dans son Histoire de la ville d'Orléans, Vergnaud-Romagnési écrit : "Les portes et les croisées ne ferment plus, elles sont toutes plus ou moins pourries ou vermoulues; les escaliers depuis si longtemps réparés avec du bois se cassent d'attendre; des planchers même demandent à être refaits; le mobilier enfin exigerait d'être renouvelé presqu'en entier."

Le déplacement de l'Hôtel-Dieu et la condamnation des anciens bâtiments

En 1836, la municipalité relance le projet de déplacement de l'Hôtel-Dieu, et de la destruction des anciens bâtiments. La commission chargée de l'étude propose d'édifier les nouveaux bâtiments à l'emplacement de la manutention des vivres militaires, rue Porte-Madeleine, près de l'hôpital général. Les deux institutions peuvent être regroupées en supprimant la rue Saint-Jacques-le-Brûlé et une partie de la rue du Corbillon. Ces propositions sont approuvées quasiment à l'unanimité par le conseil municipal en 1838.

Le Conseil Général et la Commission des Hospices d'Orléans approuvent à leur tour le projet, à la fois pour des considérations de salubrité publique, mais aussi pour que la démolition de l'Hôtel-Dieu permette "de démasquer la cathédrale, ce beau monument, objet de l'admiration des étrangers".

Conformément à la loi, une enquête d'utilité publique permet aux orléanais de s'exprimer durant 3 jours, du 22 au 24 juillet 1839. La majorité des critiques exprimées concerne surtout le choix du futur emplacement. Seul, Charles François Vergnaud-Romagnési conteste le déplacement de l'Hôtel-Dieu. Le commissaire chargé de l'enquête conclut donc à l'utilité des travaux projetés et le dossier est alors transmis au ministère de l'intérieur. Le 26 novembre 1839, Louis-Philippe signe l'ordonnance autorisant les expropriations nécessaires à l'édification du nouvel Hôtel-Dieu. La première pierre est posée le 30 août 1841 et les travaux s'achèvent fin 1844.

L'état tente de sauver le monument

En janvier 1844, Léon Vaudoyer, un architecte de la commission des monuments historiques en mission à Orléans, apprend par hasard le projet de démolition de l'Hôtel-Dieu. Il en informe la commission, qui répond par une lettre rédigée par un de ses membres, Charles Lenormant, et signée du ministre Duchâtel, expédiée le 9 février 1844 au préfet du Loiret, dans laquelle elle lui demande de soumettre l'affaire à un nouvel examen du conseil municipal afin de sauvegarder le bâtiment, tout en rappelant assez sêchement que bien d'autres monuments de la ville ont déjà disparu sous les coups des démolisseurs pour d'obscures raisons.

Le préfet transmet le courrier au maire, Lacave, qui répond le 21 mars 1844, en défendant le projet, tout en critiquant assez durement les membres de la commision, qualifiés "d'administrateurs fanatiques de l'antiquité toujours prêts à s'extasier devant la masse la plus informe de maçonnerie pourvu qu'elle compte quelques siècles de durée".

Sa lettre est transmise au ministre par le secrétaire général du préfet, qui abonde dans le sens du maire. Après avoir pris connaissance de la réponse du maire le 19 avril 1844, la commission répond à son tour sur un ton analogue, mais devant la détermination des autorités municipales, elle renonce à sauver l'ensemble de l'édifice pour concentrer ses efforts à préserver la salle Saint-Lazare, en suggérant au Conseil Général de l'utiliser pour entreposer les archives départementales. Mais l'assemblée départementale refuse la proposition tout en reprenant les arguments de la municipalité sur la trop grande proximité de ce bâtiment avec la cathédrale.

Pendant ce temps, la construction du nouvel Hôtel-Dieu se poursuit et il est inauguré le 28 novembre 1844. La veille, on commence à évacuer l'ancien édifice. Les malades sont transférés en deux fois, les 3 et 26 décembre 1844.

La démolition

Le 24 décembre 1844, le conseil municipal autorise le maire à procéder à l'adjudication des bâtiments. Informé seulement fin février 1845, Duchâtel décide de classer le bâtiment abritant la salle Saint-Lazare, et ordonne au maire de le mettre dans un lot à part ne devant pas être compris dans la vente. Le maire s'exécute et la vente publique a lieu le 22 mars 1845.

La démoilition commence peu après et se poursuit jusqu'en décembre 1845. La crypte de la chapelle médéiale abattue au milieu du XVIIIème siècle est remise à jour. A l'issue des démolitions, seul le bâtiment de la salle Saint-Lazare demeure encore debout. Cependant, isolé sur le parvis, déchaussé d'environ un mètre après l'abaissement du sol, et présentant des parties se trouvant auparavant à l'intérieur, le bâtiment ne présente pas un bel aspect. De plus, la partie la plus intéressante, le portail, est masqué par les tours de la cathédrale.

Devant l'insistance du maire et du conseil général, le ministre finit par céder et accorde l'autorisation de démolir en janvier 1846, sous réserve que la ville conserve le portail, les chapiteaux et colonnes supportant le plancher de la salle, et l'encadrement complet de la porte de l'escalier tournant. La démolition commence en août 1846, et en 1848, il ne reste plus rien de l'ancien Hôtel-Dieu.

Vestiges

  • Deux grandes colonnes couronnées de leur chapiteau et l'encadrement d'une porte basse, appuyés sur le grand mur aveugle de la petite cour de l'hôtel Cabu.
  • Le grand portail de la salle Saint-Lazare, remonté à l'envers du porche de l'hôtel des Créneaux

Voir aussi

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléanais N°135 - 1er trimestre 2003