L'oeuvre des Capétiens (987 à 1327)


Histoire d'Orléans

Après les invasions normandes, les Orléanais connurent, au milieu du désordre général, l'immense avantage d'être gouvernés directement par les hommes dont la bravoure et la remarquable intelligence avaient fait les protecteurs de la Couronne, Orléans se trouvant dans le domaine royal.

Alors que la situation en France restait précaire, le domaine royal se bornant au pays d'entre Seine et Loire, les premiers Capétiens comprenant l'intérêt qui s'attachait pour eux à maintenir leur emprise sur la vallée de la Loire, séjournèrent si souvent à Orléans qu'on qualifiait alors la ville de "principal séjour des rois".

Dès 923, Hugues le Grand, successeur d'Eudes comprend que pour faire renaître la civilisation et la prospérité, il faut avant tout renouer les anciennes traditions, s'appuyer sur l'Eglise et lui rendre ses biens. Les nombreux dons faits notamment aux établissements hospitaliers permettront au clergé d'organiser l'assistance publique rendant ainsi d'immenses services aux habitants de la ville.

Les nombreuses réformes entreprises par les Capétiens permirent d'organiser l'administration, la justice, l'enseignement et le commerce, tandis que la ville était réédifiée, agrandie et embellie.

Histoire de France
Chronologie des principaux événements


Administration de la ville

Contrairement aux villes gouvernées par quelque vassal indépendant, pour lesquelles les Capétiens prenaient volontiers parti pour les habitants, leur accordant des franchises qui diminuaient l'autorité du seigneur, ils répugnaient à concéder des libertés aux cités comme Orléans relevant directement de la Couronne, car cela allait contre leur propre autorité.
Aussi, Orléans ne put obtenir comme Amiens, ou bien d'autres villes de France, une charte d'affranchissement en bonne et due forme, de Louis VI ou de ses successeurs. Nos ancêtres ne reçurent que par bribes les avantages qu'ils désiraient.
Malgré tout, en 1057, Henri Ier octroit à Orléans une charte levant les droits d'entrée sur le raisin, puis Louis VII le Jeune tout au long de son règne de 1137 à 1180 octroit ponctuellement quelques chartes.
Mais c'est sous le règne de Philippe Auguste que la ville d'Orléans obtint les avantages que justifiait son état de civilisation. En 1180, il affranchit tous les serfs de ses domaines orléanais, puis en 1183, il confia aux bourgeois de la ville un rôle dans l'administration de la cité. De plus, en 1190, comme dans la plupart des villes de France, il organisa un Conseil de quatre prud'hommes chargés de régler les affaires communes sous l'autorité du gouverneur.


La justice : création des baillis

Philippe Auguste se préoccupait également du fonctionnement de la justice dans le royaume. Au début de la dynastie capétienne, le pouvoir avait été divisé à l'infini, et c'étaient les seigneurs de fiefs, dans les cités comme dans les campagnes, qui avaient pris l'habitude de rendre la justice chez eux. Il y eut à Orléans, jusqu'à jusqu'à treize "justices" différentes se partageant les quartiers de la ville. A ces tribunaux, il fallait ajouter le second tribunal de l'évêque qui, en tant qu'évêque, connaissait encore de toutes les conventions faites sous la foi du serment (validité des mariages, testaments, etc.).
Le gouverneur représentant le suzerain était responsable de la manière dont la justice était rendue, mais déjà chargé de la répartition des impôts, de l'administration, de la sécurité de la ville, il ne pouvait guère s'occuper des procès. Philippe Auguste organisa alors sur tout le territoire un réseau d'officiers nommés baillis, placés près du gouverneur, dont la mission était d'assister aux plaids et de renseigner le Parlement sur les affaires de province. Orléans devint alors le centre d'un bailliage dont dépendaient dix-sept prévôtés. Cette organisation aboutit à la création, non seulement de circonscriptions judiciaires, mais aussi de circonscriptions administratives qui existèrent jusqu'à la fin de l'ancien régime.
Philippe le Bel compléta cette nouvelle organisation, en créant dans les villes des sortes de collèges de notaires, capables de rédiger les actes et les contrats sans l'aide desquels les magistrats risquaient souvent de juger au hasard. A partir de 1302, tous les actes importants furent passés devant notaire et un procureur royal fut nommé à Orléans pour veiller à la bonne exécution des contrats.


L'enseignement : naissance de l'Université d'Orléans

Les Capétiens intervinrent également dans l'organisation de l'enseignement. Les écoles créées sous l'impulsion de Charlemagne et de Théodulfe avaient été détruites par les Normands, mais dès le milieu du Xème siècle, celles de Saint-Benoît et de Micy avaient été réédifiées. Il est probable que vers la même époque, les études reprirent dans les écoles de la Cathédrale.
Au XIIème siècle, les écoles d'Orléans avaient acquis une renommée qui allait au-delà de nos frontières, accueillant ainsi des étudiants étrangers. Au XIIIème siècle, cet essor s'accentua encore, puisqu'il semble qu'en 1230, des troubles survenus à Paris, incitèrent de nombreux étudiants et quelques professeurs à s'installer à Orléans.
A la même époque, il semble que l'enseignement se spécialisa dans les différents centres intellectuels de France : tandis qu'à Paris tout était à la logique, les arts libéraux et l'étude du droit étaient principalement en honneur dans l'Orléanais. Bientôt deux anciens élèves des écoles d'Orléans allaient être couronnés de la tiare pontificale, sous les noms de Clément V et de Jean XXII. Clément V, par une bulle du 27 janvier 1305, transforma les écoles de Sainte-Croix en une Université spécialement consacrée à l'étude du droit civil et du droit canon.

Voir aussi : La salle des Thèses

L'assistance

C'est le clergé qui s'occupa d'organiser l'assistance publique, les Capétiens se contentant de faire de nombreux dons aux établissements hospitaliers.
C'est à l'ombre de la Cathédrale que se développa l'institution charitable destinée à devenir l'Hôtel-Dieu d'Orléans, et qui bénéficia semble-t-il au cours du XIIème siècle de la haute fortune de la famille de Garlande, d'origine orléanaise.
Les malades étaient soignés par des Augustins : au XIIIème siècle, dix frères et neuf soeurs vaquaient à ce travail aidés de plusieurs clercs de chapelains, de serviteurs et de laïcs surnommés les "donnés", qui consacraient leur vie à cette tâche charitable.
D'autres asiles s'élevaient d'ailleurs dans la ville : les chanoines de Saint-Aignan dirigeaient l'aumône de Saint-Serge; aux Mathurins on soignait les aveugles, une maladrerie abritait les lépreux; enfin, aux deux extrémités de la route de Paris, sur la motte Saint-Antoine et à Saint-Pouair (Paterne), les voyageurs, les pèlerins, les indigents sans domicile trouvaient un abri.
Au XIIIème siècle, un service d'assistance très complet fonctionnait donc à Orléans. Il faut encore noter qu'à cette époque certaines règles d'hygiène étaient soigneusement observées : d'une part, plusieurs étuves ou bains étaient à la disposition du public. D'autre part, les cimetières urbains, tels que celui de Notre-Dame-du-Chemin, avaient été remplacés par un vaste champ de repos situé au nord de la Porte-Parisie, orné en 1266 d'un bel oratoire et confié à la surveillance de la confrérie des écrivains.


Le commerce

La Loire demeurait l'artère qui faisait vivre l'Orléanais. Les mariniers, soumis à des péages locaux abusifs, s'organisèrent en une corporation solide et active, sans doute une des plus anciennes du royaume, et surent intéresser à leur sort les grands Capétiens : Philippe Auguste, Saint Louis, Philippe le Bel. Ceux-ci profitèrent de la circonstance pour introduire quelques fonctionnaires dans la Compagnie, mais ils facilitèrent grandement sa tâche en réprimant les abus, et en contribuant au bon entretien de la rivière.
S'inspirant des marchands navigants, les négociants installés dans les villes prirent l'habitude de se réunir par professions et se donnèrent des statuts qu'ils firent approuver par la Couronne, constituant ainsi les Corporations qui existèrent jusqu'à la Révolution.
La vie courante était assurée par des marchés ouverts régulièrement (marché aux blé à l'emplacement actuel du Martroi, foire à la ferraille sur le pont, marché quotidien pour les petites denrées autour de Saint-Hilaire).
Mais ce qui contribua le plus dès cette époque à la fortune de la ville, fut l'institution des foires : trois foires annuelles et trois assemblées où l'on trouvait des marchandises de la région et d'autres arrivant de fort loin. Toute cette activité était source de richesse aussi bien pour les marchands venus de très loin que pour les producteurs de la région, pour les banquiers, pour les intermédiaires ou les entrepositaires et pour l'administration royale, municipale ou épiscopale.
D'autre part, quelques temps après son sacre en 1109 à Oreléans, Louis VI Le Gros prend et démolit les châteaux forts qui entourent Paris, ce qui donne aux Orléanais un débouché vers la vallée de la Seine pour faire des affaires.
Ainsi la fortune publique, comme la fortune privée, trouvait son compte à l'essor de la ville : les Orléanais en faisant leurs affaires, collaboraient pacifiquement à l'oeuvre féconde des premiers Capétiens.


La réédification d'Orléans

Après l'invasion des Normands et l'incendie de 989, la ville et la région étaient dans un état lamentable. La longue période de prospérité qui allait suivre permit de réparer les ruines, relever les bâtiments indispensables, puis, quand la fortune des Orléanais le permit, d'agrandir et d'embellir la ville.


La vie à Orléans et l'esprit Orléanais

Dès le début du XIIème siècle, la ville est vraisemblablement divisée en quartiers consacrés à un commerce ou une à une administration déterminés : assistance autour de Sainte-Croix; enseignement au-dessus de Saint-Pierre-le-Puellier; boulangers dans le quartier du Tabour; les halles au lin, aux tanneurs, aux fripiers, aux cordonniers, les étaux des merciers, des bouchers, au nord du Châtelet; les mariniers près des ports dans le quartier de la Tour-Neuve et dans celui de Notre-Dame de Recouvrance.

En 1200, quelques chevaliers du Temple, revenant de la Terre Sainte conquise par Saladin, s'installèrent près de l'Eglise Saint-Sauveur (située entre la rue Parisie et la rue Sainte-Croix, mais aujourd'hui disparue). Treize ans plus tard, ils étaient logés dans une sorte de "béguinage" à Saint-Marc : ils y restèrent, soignant les malades et menant une existence édifiante jusqu'en 1307, date où le roi Philippe le Bel abolit leur ordre et les remplaça par des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem devenus en 1530 les chevaliers de Malte.

On peut considérer qu'il existait au début du XIVème siècle un certain esprit local.Orléans était une vieille cité, peu touchée par les invasions, abritant une population homogène depuis l'époque gallo-romaine. Au temps des Mérovingiens, la civilisation chrétienne et latine s'était maintenue dans la ville au milieu de l'anarchie générale. Orléans n'était pas une capitale régionale mais faisait partie du domaine royal et ses habitants avaient un intérêt immédiat à ce que le territoire de la France formât un tout et chaque accroissement du domaine royal avait pour résultat une extension profitable des affaires. La ville comptait de riches bourgeois, cultivés, menant une existence confortable, dont les traits principaux étaient le bon sens, le sentiment national, l'attachement à la dynastie et un peu d'orgueil.